SOMMAIRE DROIT CIVIL | NOTIONS DE COURS |
Il y a dans le code civil certains articles qui ont été rédigés pour de simples questions de formes, de compréhension. Cet article en est un, il introduisait, après l'article 1383 sur la responsabilité quasi délictuelle, à la suite de l'article 1384 concernant les personnes dont on doit répondre et aux articles 1385 et 1386 qui justement avaient pour objet la responsabilité du fait des animaux et du fait des ruines.
L'article 1384 était donc un article "transition", vers des régimes spéciaux de responsabilité. Pourtant la jurisprudence interpréta cet article comme une règle à part entière, introduisant un régime général de responsabilité. On pourrait se dire que la jurisprudence finalement n'a fait qu'appliquer les textes, mais honnêtement au regard de la situation et de la formulation de l'article, il est permi d'en douter.
L'éclosion de cette responsabilité est en fait due à l'absence de législation du travail. En effet, fin 19e siècle, la révolution industrielle a produit ses effets, les machines sont de plus en plus puissantes, et dangereuses... Or pour prouver la responsabilité du patron face aux conditions de travail, il fallait établir la responsabilité délictuelle du fait personnel... et la preuve n'était pas facile à rapporter. La jurisprudence invente donc dans un arrêt du 30.3.1896 "Teffaine" la notion de responsabilité civile du fait des choses, en la fondant sur ce fameux article 1384 alinéa 1, et sur l'idée que le patron, doit assumer le risque de ces accidents du travail. Le législateur ne sera pas insensible à cette création jurisprudentielle, il remarquera son opportunité, et une loi du 28.4.1898 interviendra pour réglementer les accidents du travail et en faire un régime spécial.
la différence entre les deux est grande. C'est la même chose que la différence entre obligation de moyen et obligation de résultats. Présumer une faute, c'est permettre de démontrer qu'elle n'existe pas (au même titre que l'on présume tout homme innocent jusqu'à ce qu'une décision de justice définitive déclare le contraire). Présumer une responsabilité, c'est enlever l'idée de faute de toute la responsabilité. On n'est plus dans le domaine de la charge de la preuve de la faute, on est au dela de ça. On a ôter la faute, les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité sont différentes. Les moyens d'exonération le sont donc également.
Mais revenons à nos moutons... En 1896 dans l'arrêt "Teffaine", encore un peu "timide" la jurisprudence fonde cette responsabilité sur une présomption de faute (on ne se souciait donc si vous avez suivi que de la charge de la preuve, et c'était la préoccupation majeure à cette époque, mais on permettait au "patron", de s'EXONERER en prouvant son absence de faute.).
La jurisprudence s'affirme de plus en plus, et prenant de l'assurance, consacre dans un arrêt de la première chambre civile du 15.3.1921 (c'était une histoire d'incendie d'un batiment dans une gare, ca s'était étendu à tout le quartier, l'assurance avait fait la gueule après... résultat le législateur a mis une disposition particulière à l'alinéa 2, un des régimes spéciaux...) a présomption irréfragable de faute du gardien de la chose. Cette présomption c'est quelque chose de bizarre, on dit qu'on présume une faute mais on empêche de démontrer le contraire... sauf moyens d'exonération des présomptions de responsabilité... c'est pas très logique... mais bon...
La jurisprudence finit par revoir ses termes dans un arrêt du 13.2.1930 "Jean d'Heur". Dans cet arrêt la cour de cassation abandone toute référence à des éléments subjectifs pour considérer que la responsabilité du fait des choses est fondée sur une présomption de responsabilité. Elle considère d'ailleurs que sont concernées par l'article 1384 alinéa 1er toutes les choses et pas seulement les choses dangereuses (la jurisprudence s'était en effet limitée à ces dernières...)
La consécration de cette jurisprudence apparait avec l'arrêt Desmares du 21.7.1982 qui pose que le gardien de la chose ne peut s'exonérer que par la preuve de la force majeure (la faute de la victime étant donc exclue des moyens d'exonération). Dans cet arrêt qui concernait un accident de la circulation, la jurisprudence cherchait surtout à pousser le législateur à intervenir dans ce domaine. Cette interprétation sera d'ailleurs confirmée puisque la jurisprudence, après la loi de 1985, reprendra en considération la faute de la victime...
Une chose !
Oui c'est la moindre des choses. Cette chose peut être n'importe quoi même si elle n'est pas en elle même dangereuse (un clavier d'ordinateur est une chose pouvant donner lieu à la responsabilité du fait des choses par exemple...).
Sont néanmoins exclues certaines choses qui font l'objet d'un régime spécial : les animaux (régime calqué sur la resp. pour faute), les ruines (subordonné à preuve d'un défaut d'entretien, d'un vice de construction), les communications d'incendies (voir loi de 1922), les accidents de la circulation,
Un fait de la chose.
En fait pris au sens strict on peut confondre ces deux premières conditions. La distinction entre les deux n'avait d'intérêt qu'avant un arrêt du 24.2.1941 "Pialet" qui est l'aboutissement d'une jurisprudence de la cour de cassation qui se voulait de plus en plus protectrice de la victime, et limitant de plus en plus l'exigence que la chose agisse par elle même ou possède certaines caractéristiques... Avec Pialet, la jurisprudence pose que toutes les choses sont concernées par l'article 1384 alinéa 1.
Dans le fait de la chose il faudrait plutôt comprendre maintenant le lien de causalité.
Un lien de causalité. (un peu distinct du fait de la chose qui n'existe plus...)
Lorsque la chose est intervenue dans la réalisation du dommage par un rôle passif, l'article 1384 ne peut être mis en oeuvre, il faut alors recourrir à la responsabilité du fait personnel...
Lorsqu'au contraire la chose a eu un rôle actif dans la réalisation du dommage, l'article 1384 s'applique. Il y a une présomption de rôle actif lorsque la chose était en mouvement, ou qu'il y a eu choc...
Une garde de la chose.
Logique, pour qu'il y ait responsabilité, il faut si ce n'est un fautif, au moins un responsable. En matière de responsabilité du fait des choses, c'est le gardien qui est responsable. Quand est-on gardien d'une chose alors ?
La garde de la chose peut s'exercer sur deux domaines. En fait la jurisprudence s'autorise depuis un arrêt "Oxygène Liquide" du 5.1.1956 une distinction, pour les choses dangereuses ayant un dynamisme propre, entre la structure de la chose et le comportement de la chose. Intérêt : il peut y avoir deux gardiens en même temps, mais sur des domaines différents...
En matière de garde de la chose, la jurisprudence a admis dès un arrêt Trichard du 18.12.1964 la responsabilité du dément, et parmi la série d'arrêt du 9.5.1984 (voir responsabilité du fait personnel), elle étend cette possibilité de la garde de la chose à un infans (gardien d'une balancoire).
On peut lutter contre les présomptions en démontrant :
la faute de la victime qui exonérera différemment selon que cette faute a les caractères de la force majeure ou pas... Attention entre 1982 et 1987 (arrêts du 6.4.1987) ce moyen d'exonération était refusé (cf supra)
le fait du tiers, qui peut lui aussi avoir les caractéristiques de la force majeure, et qui s'il ne les a pas, ne fait qu'ouvrir droit à une action récursoire contre ce tiers par celui qui a indemnisé.
contre la présomption particulière de lien de causalité en cas de mouvement ou contact, on peut démontrer l'absence de lien de causalité, malgré ce mouvement ou contact...