SOMMAIRE DROIT COMMERCIAL | SUJETS D'EXAMENS |
Consultation
Vous avez souhaité connaître mon avis sur votre situation suite à plusieurs cessions de créances par bordereau Dailly.
1- Vous avez vendu du matériel informatique à la Société Bidule avec une clause de réserve de propriété. Cette société a revendu le matériel et a cédé sa créance contre l'acheteur par bordereau Dailly à la Banque Nationale de Paris.
En raison du redressement judiciaire imminent de la Société Bidule, vous me demandez si le règlement du conflit vous opposant à la BNP peut se faire en votre faveur.
2- Le 6 septembre 2000, le tribunal de commerce d'Evry a prononcé le redressement judiciaire de la Société Boutix et a fixé la date de cessation des paiements au 20 mars 2000. Or, en août 2000, cette société a payé au moyen de créances cédées en paiement par bordereau Dailly une dette qu'elle avait à l'égard d'une banque.
Vous souhaitez connaître mon avis sur la validité de ce paiement au regard du droit des procédures collectives.
3- Enfin, votre société est créancière de Mr Lontix auquel vous avez acheté un téléviseur payable en avril 2000. Or, en mars 2000, vous cédez votre créance par bordereau Dailly à la Société Générale.
Un de vos créanciers, la Société Oulala ayant effectué en février 2000 une saisie-attribution entre les mains de Mr Lontix, vous souhaitez savoir comment régler la situation.
Le conflit qui oppose le banquier au vendeur sous réserve de propriété naît dans les circonstances suivantes : un même matériel est vendu deux fois sans que l'acquéreur-revendeur ait réglé au vendeur sous réserve de propriété le prix de son achat tout en mobilisant sa créance sur le prix de revente dû par le sous-acquéreur.
Si ce revendeur fait l'objet d'un redressement judiciaire ou d'une liquidation judiciaire, l'Article 122 Loi 25 janvier 1985 reporte, par l'effet de la subrogation réelle, le droit du vendeur sous réserve de propriété sur le prix de revente en disposant que " peut être revendiqué le prix ou la partie du prix des biens visés à l'article 121 qui n'a été payé, ni réglé en valeur, ni compensé en compte courant entre le débiteur et l'acheteur à la date du jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire ". Ce reporte et la mobilisation de la même créance sont à l'origine du conflit opposant le banquier et le vendeur avec réserve de propriété.
Ce conflit a suscité une controverse jurisprudentielle et doctrinale.
La difficulté a été de déterminer la date de naissance et d'opposabilité du droit du vendeur sous réserve de propriété sur la créance du prix de revente : est-ce le jour de la revente du bien ou est-ce le jour de l'ouverture de la procédure collective contre le revendeur ?
Dans un Arrêt du 8 mars 1988, la Cour de cassation a consacré la première solution. La subrogation se réalise dès la revente : " elle a un effet rétroactif et prive le revendeur, dès la revente du bien, de son droit de propriété sur la créance du prix de revente pour l'attribuer au vendeur sous réserve de propriété ".
Cette solution implique que le revendeur soit censé n'avoir jamais été propriétaire de la créance et qu'il ne puisse valablement la transmettre. C'est pour cette raison que le vendeur sous réserve de propriété prime le banquier cessionnaire dans le cas où la mobilisation de la créance a eu lieu après la revente mais avant l'ouverture de la procédure collective et sans que la créance du prix de revente ait été réglée avant cette date.
Si la créance de prix de revente a été payée avant l'ouverture de la procédure collective, l'extinction de la créance qui résulte du paiement fait disparaître la condition du jeu de la subrogation réelle, à savoir l'absence de règlement à la date de l'ouverture de la procédure, et anéantit le droit du vendeur sous réserve de propriété : ce dernier est dès lors primé par le cessionnaire Dailly.
C'est ce qu'a décidé la Cour de cassation dans l'Arrêt du 11 décembre 1990 dans l'hypothèse du conflit opposant le vendeur sous réserve de propriété et d'une société d'affacturage : la société d'affacturage qui a réglé le revendeur avant la date de l'ouverture de la procédure collective le concernant, est subrogée dans les droits de celui-ci sans que le vendeur puisse se prévaloir de la clause de réserve de propriété.
La primauté du vendeur sous réserve de propriété peut être écartée lorsqu'un processus de paiement est engagé avant la date de la procédure collective. Ce processus correspond à l'idée d'un règlement en valeur effectué par l'acheteur. Cela a pour conséquence que le banquier cessionnaire va l'emporter sur le vendeur avec clause de propriété. C'est ce qu'a décidé la Cour de cassation dans un Arrêt du 9 janvier 1990 lorsque le sous-acquéreur accepte une lettre de change tirée par le revendeur. La Cour de cassation a affirmé " qu'ayant relevé que le sous-acquéreur de marchandises initialement grevées de réserve de propriété avait, en paiement du prix, remis à l'acheteur-revendeur des lettres de change acceptées, une Cour d'appel en a exactement déduit que, par suite du règlement en valeur auquel il avait été procédé, le vendeur originaire ne pouvait plus exercer l'action en revendication du prix à l'encontre du sous-acquéreur de la marchandise ".
En l'espèce, la Société Bidule a revendu le matériel informatique pour 950 000 frs, 100 000 frs payés mais elle a tiré une lettre de change payable à 90 jours pour le reste. On peut donc considérer qu'en application de la jurisprudence du 9 janvier 1990, cela constitue un processus de paiement. Cela a pour conséquence que votre société ne pourra plus réclamer au sous-acquéreur le paiement de la marchandise. Seul le banquier cessionnaire pourra exercer l'action en revendication du prix.
La cession s'est produite en août 2000, après la date de cessation des paiements du cédant fixée par le tribunal de commerce d'Evry au mois de mars 2000.
Or, certains actes accomplis pendant cette période peuvent tomber sous le coup d'une nullité de droit de l'Article 107 Loi 25 janvier 1985. Il se peut qu'une banque se fasse consentir une cession Dailly afin de renforcer sa garantie de remboursement. L'application de l'Article 107, dans son 6e cas, paraît alors envisageable : il annule les hypothèques ou nantissements constitués sur les biens du cédant pour des dettes antérieurement contractées.
Longtemps, la jurisprudence en a fait une interprétation extensive assimilant bien d'autres garanties aux sûretés visées expressément par le texte. La cession Dailly, si elle est citée parmi les modes normaux de paiements, lui évitant de tomber sous le coup de l'Article 107.4°, pourrait, en vertu de cette jurisprudence, être annulée : en effet, les parties l'ont utilisée, en période suspecte, effectivement pour garantir le remboursement d'une dette antérieurement contractée.
Mais la chambre commerciale, revenant sur ses positions antérieures, en a décidé autrement dans l'Arrêt du 28 mai 1996. Adoptant une interprétation littérale de l'Article 107.6°, elle affirme, à juste titre, qu'une cession de créance n'est pas constitution d'un droit de nantissement et échappe donc à cette disposition.
Cette solution est, en droit, incontestable et ce revirement est dans le droit fil de la faveur dont bénéficient les cessionnaires Dailly en jurisprudence, et qui compense un peu les difficultés provoquées par le caractère occulte de la cession.
Mais, en fait, la cession Dailly est bel et bien une garantie qui rompt l'égalité des créanciers tout autant que l'hypothèque ou le nantissement sur les biens du débiteur, en conférant au banquier cessionnaire un droit personnel sur un tiers.
A condition d'éviter la formule " nantissement de créances ", les banques peuvent ainsi renforcer, après coup, leurs garanties quand elles craignent le prochain dépôt de bilan de leur client, tout en restant à l'abri des nullités de droit de la période suspecte.
La nullité facultative prévue par l'Article 108 pourrait être prononcée si la connaissance par la banque de l'état de cessation des paiements était démontrée.
En l'espèce, on peut dire qu'au regard des procédures collectives, le paiement de la lettre effectué après la date de cessation des paiements est susceptible d'être annulé à condition de rapporter la preuve que le débiteur avait eu connaissance de cette cessation. Puisque la société Boutix avait une dette à l'égard de la banque depuis le mois d'août 1999, on peut en déduire que celle-ci avant des relations suivies avec la société Boutix. Donc, elle est censée avoir eu connaissance de la mise en cessation des paiements de cette société. Cela a pour conséquence que le paiement effectué par la société Boutix peut être annulé, mais ce n'est pas une obligation car les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain d'appréciation des preuves qui lui sont soumises.
Les tiers prétendent parfois avoir le droit de d'encaisser la créance transmise soit parce qu'ils ont pratiqué une saisie, soit parce qu'ils en sont également cessionnaires. Ils dont donc en concours avec le banquier cessionnaire. Ce conflit doit se régler par la comparaison des dates d'acquisition du droit à encaisser la créance considérée. Le premier dans le temps l'emporte.
Le conflit entre le banquier cessionnaire et le créancier du cédant peut naître d'une saisie pratiquée par un créancier entre les mains du débiteur cédé. Chacun, le cessionnaire et le saisissant, prétend pouvoir encaisser la créance auprès du débiteur. Le conflit se résout par la comparaison des dates du bordereau et de la saisie.
A la date du bordereau, la créance est sortie du patrimoine du cédant pour entrer dans celui du banquier cessionnaire. Dès cet instant, les créanciers du cédant ne peuvent plus saisir cette créance dont le débiteur n'est plus titulaire.
En revanche, la saisie pratiquée avant la date apposée sur le bordereau continue à produire ses effets.
Pour vous répondre, il faut envisager deux cas de figure :
- si la saisie-attribution a été pratiquée par la société Oulala avant la date du bordereau Dailly, donc avant le 3 mars 2000, la société Oulala pourra demander le paiement de la créance transmise car la créance est encore dans le patrimoine de votre société.
si la saisie-attribution a été pratiquée à la date d bordereau Dailly ou après, la société Oulala n'aura aucun recours puisque la créance n'est plus dans le patrimoine de votre société mais dans celui de la Société Générale.
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Etudiante en maitrise de droit privé à l'université Evry Val d'Essone. Vous pouvez comme elle nous transmettre par mail des documents rédigés par vos soins et nous les mettrons en ligne s'ils correspondent à nos critères :) |
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