SOMMAIRE CONSTITUTIONNEL | POINTS DIFFICILES |
Ce document nous a été envoyé par Carole Garreau.
Le respect de la loi, expression de la volonté générale selon article 6 de la DDHC, est un des fondements de la démocratie. Pourtant, aujourd'hui, la loi n'est pas bien appliquée et cette situation apparaît inacceptable au regard de l'Etat de droit car elle tend à discréditer le pouvoir législatif et à être une source d'insécurité et d'inégalités.
I - Un problème lié à l'exécution des lois et à l'information sur celles-ci.
1/ Après promulgation de la loi, défaut ou retard dans la publication des textes d'application.
Les lois sont votées par le Parlement (art 34 constitution) mais le Premier ministre est chargé de leur exécution (art 21) or bien souvent les décrets d'application sont publiés trop tardivement.
En 1993, le Premier ministre indiquait dans une circulaire que le délai ne devait pas dépasser 6 mois mais ce délai n'est toujours pas respecté aujourd'hui. De plus, le décret n'est souvent que la première étape de la publication des textes d'application des lois (arrêtés, circulaires, instructions, ce qui augmente le délai d'application de la loi).
CE a condamné l'Etat à une astreinte pour défaut de publication d'un décret d'application de la loi du 11/01/84 portant statut de la fonction publique, arrêts 6/01 1993 Soulat et Boivin et 27/01/93 Melot)
Causes de ce retard sont nombreuses : difficultés liées à l'objet même du décret ou à la procédure d'élaboration : problèmes conceptuels (ex : lois "bioéthique" qui ont élaboré des concepts et règles nouveaux) ; Malfaçons législatives (ex : législateur renvoie au décret soin de trancher un problème délicat) ; Certains décrets peuvent être inopportuns : financièrement (lourdes charges qu'il entraîne) ou du fait de la réticence d'une partie importante de l'opinion (ex : décision de ne pas mettre en place le CIP (contrat d'insertion professionnelle)) ; Gouvernement est tenu à des consultations internes et externes. Certains ministères manquent de moyens pour élaborer leurs textes dans les délais.
2 / Des lois dont l'accès pourrait être mieux assuré
De nombreux moyens permettent à l'ensemble des citoyens d'être informés sur la loi.
Le Journal officiel a un rôle primordial dans la diffusion de la loi. Participent également à l'information des citoyens, les publications parlementaires et les organes interministériels de documentation générale (service d'information et de diffusion du Premier ministre (SID) ; la documentation française ; CADA) et les informations fournies par les autres SP, les codes diffusés par éditeurs privés, les publications de la presse générale et spécialisée.
L'accès à la loi paraît bien assuré mais il faut que le public fasse aussi l'effort de s'informer. Cet accès pourrait toutefois être amélioré car l'accès aux normes communautaires reste encore difficile (CE, rapport 1992, certains actes communautaires ne sont pas publiés) ; les actions de l'Etat sont encore trop dispersées et trop peu connues dans le domaine de l'information du public. + difficultés de la transmission de l'information sur la loi et ses textes d'application à l'administration locale, et par son intermédiaire, aux citoyens.
Si les règles sont trop nombreuses et qu'elles se développent trop rapidement, il devient difficile voire impossible aux citoyens de les connaître, les comprendre et les appliquer. ("Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires" Montesquieu ). Découragement également des services administratifs face à l'inflation des textes.
En France, l'inflation législative se manifeste depuis 15 ans (nombre de pages du JO consacrées aux textes de loi a doublé entre 1965 et 1994. Aujourd'hui stock législatif est d'environ 8000 textes.
Cette situation est accrue par l'inflation réglementaire au moins 5 fois plus importante en nombre de textes. Aujourd'hui : environ 100 000 décrets applicables en France (+ décrets individuels, circulaires, arrêtés)
+ développement du droit communautaire : intégration européenne entraîne davantage de réglementation (en 1991 : 1471 lois, ordonnances et décrets nationaux et 1564 directives et règlements communautaires). Aujourd'hui : environ 22445 règlements, 1675 directives, 1198 accords et protocoles seraient applicables dans l'UE. Rend plus difficile la connaissance des lois (cf. art 55 constitution).
Cette tendance à l'inflation normative se manifeste dans de nombreux pays développés (EU, RU, Australie)
Conséquences dommageables : frein au développement économique lorsque les normes sont trop nombreuses (source de rigidités…) ; Entrave à l'efficacité des pouvoirs publics et est une limite à la démocratie car le foisonnement des lois tend à affaiblir l'Etat de droit car aboutit à ne plus appliquer le droit ; juge lui-même peut avoir du mal à s'y retrouver + risque d'une fracture entre ceux qui pourront s'offrir les services d'un expert du droit et les autres "éternels égarés du labyrinthe juridique, laissés pour compte par l'Etat de droit" (Rapport CE 1991).
Raisons multiples :
2/ Des lois qui se dégradent
On constate une instabilité croissante de la norme (durée de vie des lois en constant raccourcissement) ; développement du "droit mou" (apparition de plus en plus fréquente de dispositions non normatives dans les lois.) ; Imperfections formelles (maladresses de style, longueur des phrases, imprécisions) ; législation de plus en plus complexe (ex : droit de l'urbanisme) ; lois composites (lois portant diverses dispositions relatives à augmentent en volume.) ; lois outrepassant leur domaine de compétence (CC une loi contenant des dispositions réglementaires n'est pas contraire à la constitution. Rend la loi moins lisible).
Conditions d'élaboration des textes législatifs sont donc loin d'être parfaitement satisfaisantes : préparation des textes souvent trop rapide (programmation du travail législatif par le Gouvernement relativement courte et examen souvent trop hâtif par le parlement) et le parlement n'est pas en mesure de jouer parfaitement son rôle : Il devient une chambre d'enregistrement des lois et non plus un lieu d'amélioration des lois.
1/ Réduire le retard dans la publication des textes d'application des lois
Réaffirmer le délai de 6 mois pour la publication des décrets d'application et l'étendre aux autres textes d'application des lois, simplifier les procédures de consultation (+ réduction des délais de consultation), entamer une réflexion sur l'adaptation des moyens des ministères à leurs besoins en matière de rédaction de textes, et renforcer le contrôle de l'application réglementaire des lois qui s'est développé depuis 20 ans mais reste insuffisant. (le suivi des lois particulières pourrait être pleinement satisfaisant si toutes les procédures existantes étaient respectées : les questions (procédure très utilisée pour contrôler l'application des lois mais des limites : il faut que le ministre interrogé réponde (taux moyen de réponse : 92%), le ministre peut se contenter d'une réponse sommaire, le contrôle est éclaté) ; les rapports d'application des lois (rapports extra parlementaires. Peu efficaces car plus de la moitié ne sont pas transmis au parlement à l'échéance fixée) ; les missions d'information (art 145 règlement AN : contrôle qualitatif et quantitatif de l'application des lois : les commissions permanentes peuvent confier à 1 ou plusieurs de leurs membres une mission d'information portant notamment sur l'application d'une législation mais ce dispositif reste limité). Des améliorations s'imposent (ex : Proposition de créer un office parlementaire d'évaluation de la législation et qui aurait pour tâche de suivre l'application des lois).
2/ Améliorer l'information sur les lois.
Plusieurs mesures sont envisageables : favoriser l'accès plus large au droit communautaire ; perfectionner la présentation des textes publiés ; publier autant que possible l'ensemble des textes d'application d'une même loi au même moment ; rationaliser le dispositif global d'information de l'administration ; élargir encore la diffusion des travaux parlementaires au public
3/ Freiner l'inflation législative
4/ Eviter la dégradation des lois
Améliorer les conditions d'élaboration des lois par une meilleure programmation du travail législatif sur une longue période pour permettre aux ministères et au parlement de se préparer à l'élaboration de la loi. (ex : 1 an comme au RU et Canada) ; par une meilleure consultation de l'administration locale et des citoyens, par une meilleure la formation des fonctionnaires dans le domaine du droit, par la limitation du nombre des lois composites et du recours à l'urgence.
Mieux évaluer la portée de la législation
Conclusion : Pour répondre à cela, la proposition de loi, adoptée en juillet 1995 par l'Assemblée nationale et tendant à créer un Office parlementaire d'amélioration de la législation, investit le futur organe d'une triple mission :
- Evaluer l'adéquation de la législation aux situations qu'elle régit ;
- Simplifier et unifier la législation ;
- Veiller à l'élaboration des textes réglementaires nécessaires à l'application des lois.
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Etudiante à Science Po Paris, et licencié en droit. Vous pouvez comme elle nous transmettre par mail des documents rédigés par vos soins et nous les mettrons en ligne s'ils correspondent à nos critères :) |
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