SOMMAIRE DROIT ADMINISTRATIF | NOTIONS DE COURS |
L’ Administration est, aux termes de l’article 20 de la Constitution , à la disposition du gouvernement, donc du pouvoir exécutif.
Sa mission consiste
1/ à préciser par voie réglementaire , généralement par décret , les modalités d’application des lois , parfois à l’invitation expresse du législateur qui peut assigner au pouvoir exécutif un certain délai pour rédiger et publier les décrets d’application
2/ à réglementer certains aspects de la vie économique , culturelle , éducative et sociale dans l’intérêt général en vue notamment d’y introduire plus de justice ou d’efficacité dans la couverture des besoins.
3/ organiser et gérer des services publics susceptibles de rendre effective à l’intention des administrés l’application des régimes législatifs ou règlementaires défini par les pouvoirs publics. C’est ainsi par exemple que les services fiscaux déterminent concrètement de quelle manière vont être appliquées aux contribuables les dispositions fiscales et que les services de l’éducation nationale vont mettre en place un système de formation des enfants conformes à la volonté du législateur et aux dispositions complémentaires prises par le gouvernement.
L’ensemble de ces missions conduit l’Administration à développer une intense activité normative dans tous les domaines.
La question se pose alors de savoir si les règles que l’administration va édicter devront être conformes à l’ordonnancement juridique établi par les autorités politiques ou administratives , reflets , notamment pour ce qui concerne la constitution , la loi ou le droit international, de décisions politiques prises par les représentants de la Nation et censées traduire un vouloir vivre collectif , représentatif d’un certain état de civilisation.
Il tombe sous le sens que l’administration ne pourra modifier à sa guise cet ordonnancement juridique , en particulier lorsqu’elle sera conduite à définir les modalités concrètes d’application des lois
L’ autorité administrative devra donc respecter les règles existantes de valeur supérieure , qu’il s’agisse de celles émanant des autorités politiques ( Constitution , lois et normes internationales ) ou de celles posées par les autorités administratives hiérarchiquement supérieures gérant des intérêts d’une plus grande importance.
Le principe de légalité , qui évoque à tort le seul respect de la loi , et qui correspond en réalité à la notion de juridicité , est un concept fondamental du droit administratif.
Il signifie que l’administration est tenue , dans le cadre de sa mission normative , de respecter ce que les juristes appellent " le bloc de légalité " , c’est à dire un ensemble de règles de valeur supérieure établies par les pouvoirs publics politique ou administratif
Cette conception large du principe de légalité nous conduit naturellement à envisager
La tradition juridique et politique française attribue à la loi , pour des raisons essentiellement liées à l’histoire de l’Ancien Régime et de la Révolution , la valeur de règle fondamentale , la " source des sources " pour reprendre une expression des juristes.
En effet , les révolutionnaires ont un très mauvais souvenir du rôle des Parlements de l’Ancien Régime qui se sont largement opposés aux velléités de réformes qu’ont pu manifester de temps à autres certains hommes politiques de la Monarchie , voire le Roi lui-même , notamment lorsqu’il s’est agi de se prononcer sur les modalités de vote par ordre ou par tête des Etats Généraux. A l'inverse , le Parlement a représenté la Nation face au Roi pendant la période révolutionnaire.Il en est résulté le sentiment très fort que les députés chargés de voter la loi représentent la volonté de la Nation face au pouvoir exécutif et donc que la loi est l’expression de la volonté générale , la règle incontestable et incontestée , la règle suprême dans notre ordonnancement juridique.
L’existence d’une loi occulte en quelque sorte le problème du respect de la Constitution et des traités internationaux. Cette question ne se pose qu’en l’absence de loi.
Une évolution est cependant perceptible.
On envisagera donc
L’administration doit respecter la loi seule lorsqu’elle existe et subsidiairement la Constitution et les traités
le respect de la loi
On dit que la loi fait écran. On entend par là que lorsqu’un loi existe , l’administration doit la respecter absolument et ne peut arguer devant le juge d’une quelconque exception d’inconstitutionnalité pour tenter de s’affranchir de cette contrainte. La loi s’impose à l’administration et au juge qui ne peut la censurer même indirectement.
En France , le contrôle de la constitutionnalité des lois est éventuellement mis en œuvre avant la promulgation de celle-ci et relève d’un organe juridictionnel spécifique à caractère politique , le Conseil Constitutionnel dont la saisine par voie d’action est réservée à certaines autorités de l’Etat ou à 60 députés ou sénateurs
Une loi promulguée ne peut plus être contestée ni annulée et sa force juridique est totale , quand bien même elle serait contraire à la Constitution ou aux dispositions d’un traité international régulièrement ratifié antérieur à la loi
La loi fait écran , fait de l’ombre aux dispositions constitutionnelles ou de droit international qui , opaques , ne peuvent imposer leur rayonnement à l’ordonnancement juridique français ;celui-ci ne connaît alors que la loi
le respect subsidiaire de la Constitution et des traités
L’administration est tenue de respecter ces règles lorsque
La Constitution de 1958 , qui n’a pas modifié la force juridique de la loi , lui a par contre assigné un domaine limité. Le Parlement est seul compétent mais uniquement dans certaines matières et de la façon suivante :
Aux termes de l’article 34 de la Constitution , il fixe les règles de droit civil , fiscal , pénal , les garanties fondamentales accordées aux citoyens ou fonctionnaires dans l’exercice des libertés publiques ainsi que les principes fondamentaux concernant certains autres domaines ( enseignement , propriété , libre administration des collectivités locales , droit social) L’article 37 de la Constitution précise que ce qui ne relève pas du législateur relève de ce que l’on a appelé le pouvoir réglementaire autonome affranchi de ce fait du respect de la loi qui ne peut constitutionnellement exister dans ces matières , des mécanismes particuliers étant prévus pour assurer le strict respect de cette répartition des compétences. L’administration n’est pas pour autant soustraite au principe de légalité qui , dans ces hypothèses , emporte obligation pour les autorités administratives de n’édicter que des normes non contraires à la Constitution ( C.E Société ECKY 1960 ) et aux principes généraux du droit résultant notamment du Préambule de la Constitution qui " s’imposent à toute autorité administrative même en l’absence de dispositions législatives " ( C.E Syndicat des Ingénieurs conseils 1959)
Le Conseil d’Etat reconnaissait depuis longtemps la supériorité hiérarchique du traité sur la loi antérieure de telle sorte que toute disposition administrative , même prises pour l’application d’une loi antérieure à la ratification d’un traité international , ne pouvait contredire les dispositions de celui-ci. Mais évidemment , il n’en est pas ainsi des actes réglementaires qui , sans contredire la loi , prévoient des règles autonomes ne découlant pas directement de dispositions législatives ( cf en ce sens arrêt d’assemblée C.E 03/02/1989 Alitalia précisant que les dispositions réglementaires fiscales refusant la déduction de la TVA afférente à des biens non exclusivement affectés à l’exploitation ne sont pas une pure application de la loi codifiée à l’article 271 du CGI prévoyant la déduction de la TVA afférente aux dépenses professionnelles) Une loi postérieure au traité validait toutes les dispositions administratives prises pour son application quand bien même elles seraient contraires au traité
Le retour en force des normes constitutionnelles et internationales
En dépit du mythe de la loi , source suprême du droit administratif , sous l’influence de l’évolution lente mais progressive des mentalités et des expériences qui ont montré qu’il pouvait exister de mauvaises lois ,enfin en raison de l’interdépendance croissante des Etats et des progrès de l’idée européenne , les dispositions constitutionnelles ainsi que les normes internationales et surtout communautaires ont repris leur place au sommet de la pyramide des normes au dessus de la loi
Le respect des normes internationales s’impose à l’administration à une époque ou la loi , à supposer qu’elle ait conservé aux yeux des Français sa valeur mythique , ne saurait pour autant constituer un obstacle à l’intégration européenne, au développement d’une conscience collective supranationale qui passe nécessairement par le respect du droit communautaire
Suprématie directe des normes internationales
Les normes internationales retrouvent toute leur suprématie au terme d’une évolution de la jurisprudence du Conseil d’Etat relativement récente qui l’a conduit à affirmer dans l’arrêt Nicolo de 1989 que les normes dérivées de traités communautaires ont une force juridique supérieure aux lois même postérieures de telle sorte que des mesures règlementaires qui seraient prises pour l’application de ces lois ne peuvent contredire les normes dérivées que sont les directives européennes.
L’illégalité directe de ces règlements au regard du droit européen peut par voie d’exception fonder une demande d’annulation des mesures individuelles d’application ou permettre de demander au juge l’annulation du règlement.
Le refus d’abroger d’un règlement ancien devenu contraire à la directive peut alors être déférée au juge , par analogie avec la jurisprudence issue de l’arrêt DEPUJOL en droit interne.
Bien entendu et à fortiori , tout règlement autonome contraire à une directive est illégal au sens de la hiérarchie des normes de même que toute mesure d’application de ce règlement.
La " constitutionnalisation des lois "
Le retour en force de la Constitution se manifeste indirectement à travers la codification par le législateur de principes fondamentaux constituant le plus souvent des garanties fondamentales accordées è l’administré. Certes , l’administration les respecte parce qu’il s’agit de dispositions législatives expresses , mais ces garanties supplémentaires qui ont tendance à se développer conduisent de plus en plus l’administration à intégrer les notions constitutionnelles dans le bloc de légalité , dans les principes fondamentaux servant necessairement de guide à l’action afministrative.
On ne peut donc parler d’un véritablement bouleversement juridique visant à modifier la place de la loi dans notre ordonnancement juridique , mais une évolution , peut être limitée au droit européen , se manifeste quant à la reconnaissance de la place des règles de droit international au sommet de la pyramide des normes.
La Constitution se cache toujours derrière la loi existante , mais celle-ci , dont le respect s’impose à l’administration , intègre de plus en plus de références constitutionnelles
Titulaire d'une maîtrise en droit public et Inspecteur Principal des Impôts. Vous pouvez comme lui nous transmettre par mail des documents rédigés par vos soins et nous les mettrons en ligne s'ils correspondent à nos critères :) |
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