SOMMAIRE DROIT ADMINISTRATIF | POINTS DIFFICILES |
L’affaire Préfet de police de Paris contre TGI de Paris (TC, 12 mai 1997) a relancé le débat sur les pouvoirs du juge administratif en matière de référé par rapport à ceux du juge judiciaire des référés (le référé permet au juge par "décision provisoire, d’ordonner immédiatement les mesures nécessaires "art484 et art 809 NCPC). Le juge judiciaire a en effet la possibilité d’intervenir beaucoup plus rapidement (en quelques heures ) que le JA.
Son introduction en contentieux administratif a été tardive et il est resté limité :
Pour le CE : ordonnance du 31 juillet 1945 attribue au président de la section du contentieux le pouvoir d’ordonner "dans les cas d’urgence " "toutes mesures utiles en vue de la solution d’un litige ", repris dans le décret du 30 juillet 1963 (art 27)
Surmontant l’hostilité traditionnelle des pouvoirs publics au référé en matière administrative (pourrait gêner l’action administrative) :
loi du 28 novembre 1955 (modifiant l’article 24 de loi 1889 sur le constat d’urgence qui est supprimé mais rétabli en 1959, art 23 bis) : donne aux présidents des TA le pouvoir d’ordonner, sous certaines conditions et dans certaines limites, "toutes mesures utiles " justifiées par l’urgence.Innovation dont les développements étaient attendus, les pouvoirs du juge paraissant trop limités par rapport à ceux du juge civil et face à la progression du contentieux.
Décret du 2 septembre 1988
: Compétence en matière de référé étendue aux présidents des CAA (art R.128 à R130 CTA) qui peuvent être saisis pour la 1ère fois d’un référé, ils peuvent ainsi satisfaire à des demandes de mesures dont le besoin n’était pas apparu auparavant.Dispositions législatives ont ensuite institué des régimes dérogatoires au droit commun du référé.
Assouplissements :
Le référé de droit commun :
Décret du 2 septembre 1988
met fin à l’unité du régime du référé administratif : 3 modalités du référé de droit commun :
Le juge des référés peut ordonner "toutes mesures utiles ". Ces mesures
(objet : prévenir l’aggravation d’une situation dommageable, la prolongation d’une situation illicite, assurer la protection des droits et intérêts d’une partie ou de sauvegarder l’intérêt général ) se caractérisent par des injonctions (provisoires) = obligation de faire ou de ne pas faire qui affectent la situation des parties. Injonctions adressées aux parties privées (ex : à un entrepreneur de travaux publics) avec possibilités de prononcer des astreintes et à l’administration (demande de communication des décisions concernant l’administré)Conditions du prononcé : dispositions de l’article R130 sont strictes :
L’urgence, appréciée de façon concrète en fonction des circonstances de chaque espèce. (3 cas les plus fréquents : quand le comportement litigieux est de nature à créer une situation dommageable difficilement réversible ; nécessité de maintenir ou rétablir fonctionnement normal d’un service public ou l’exécution normale de travaux publics ; nécessité qu’un recours puisse être normalement exercé dans les délais)
L’utilité
possibilité pour le juge de prescrire toutes mesures utiles d’expertise ou d’instruction (enquêtes, vérifications administratives…). Conditions du prononcé de mesures d’instruction : urgence pas nécessaire mais condition d’utilité (art R 128 et art 27 décret 1963) des mesures.
Droit civil : référé provision institué en 1973, utilisation plus aisée car pas besoin de saisir le juge du principal (si le montant de la provision correspond à la totalité de la créance, le litige est réglé). Intérêt du référé provision® transposition par voie jurisprudentielle en matière administrative par le TA de Lyon mais refus du CE (CE, s, 20 juin 1980, Soc. Gaz. de France).
Institué par le décret du 2 septembre 1988. (art R.129 CTA et art 27 décret 1963). Le juge du référé peut accorder une provision au créancier qui a saisi le juge du principal d’une demande au fond, lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. (très utile pour victimes en matière de responsabilité hospitalière). Permet aux créanciers d’obtenir une avance sur les sommes qui leur sont dues en attendant que le montant exact de la créance soit déterminé.
3 conditions strictes
: juge des référés doit être saisi d’une demande de provision ; juridiction doit être saisie d’une demande au fond (un recours principal doit avoir été exercé, tendre à une condamnation pécuniaire et être recevable ) alors que pas pour les autres référés ; l’existence de l’obligation ne doit pas être "sérieusement contestable ".
Restrictions :
Les pouvoirs du juge : les mesures prises par le juge du référé ne doivent pas excéder les pouvoirs du JA du fond (
CE, 21 février 1986, Cie des architectes en chef des monuments historiques).Il ne peut préjudicier au principal et donc d’anticiper sur le fond du procès ou sur les droits concernés.
L’interdiction pour le juge du référé de "faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative " (lui interdit le sursis) (
Compétence :
Tendance du JJ des référés à outrepasser au nom de l’urgence, et en se réclamant d’une prétendue voie de fait, les limites de sa compétence en prononçant des mesures insusceptibles de se rattacher à des litiges entrant dans la compétence judiciaire. TC s’efforce d’éviter ça.
S’il y a incertitude quant à la nature du litige principal, le juge du référé administratif est compétent "compte tenu des caractères propres de la procédure de référé ", dès lors que la demande qui lui est présentée n’est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la juridiction administrative.
Référés spécifiques :
Procédures conduisant à des mesures définitives :
Procédure : allégée car urgence.
La recevabilité de la demande n’est pas subordonnée à l’accomplissement des formalités qui peuvent conditionner le recours principal : la règle de la décision préalable est écartée.
Exception : pour référé précontractuel : informer l’auteur de la décision et le bénéficiaire.
3 exigences : doit porter sur mesures que juge a pouvoir de prescrire et lui être soumis dans le délai ; que le recours principal ne soit pas manifestement irrecevable ; ministère d’avocat obligatoire sauf texte contraire (
CE, s, 13 octobre 1956, Saporta ) (pas d’obligation en matière de reconduite à la frontière)
Instruction et jugement :
Doit être rapide, dans certains cas, des délais très brefs sont impartis au juge.
Président du tribunal statue par ordonnance.
Atténuation du principe de contradiction pour accélérer la procédure : la demande doit être communiquée au défendeur avec fixation du délai de réponse (
R.131 CTA). Mais cette exigence pas imposée si circonstances ne le permettent pas (CE, 15 février 1989, Port autonome de Dunkerque). Le juge statue sans intervention du commissaire du gouvernement (mais pas de texte le consacrant® en pratique, souvent audition du commissaire de gouvernement) et est toujours libre d’apprécier s’il y a lieu de convoquer et d’entendre les parties (CE, 19 février 1965, Souris). Audience publique pour les reconduites à la frontière. Pour le référé précontractuel et le référé en matière d’audiovisuel : audience publique au cours de laquelle les parties pourront présenter leurs observations orales (CE, Ass, 10 juin 1994, commune de Cabourg ; CE, 25 novembre 1994, La Cinq )
Voies de recours :
art R 132 et R 133 : ordonnances de référé sont dans les 15 jours de leur notification susceptibles d’appel ou de recours en cassation.Le juge des référés peut modifier son ordonnance du fait de circonstances nouvelles (
CE, 24 février 1985, Soc. Entr. ind. et financière)
Actualité du référé : projet de réforme :
Référé administratif a certes gagné en puissance, sa pratique est croissante mais le référé judiciaire permet plus (n’a plus de condition d’urgence, peut être mis en œuvre même en présence d’une contestation sérieuse) et le référé administratif reste limité par le dogme de la séparation de l’administration active et du juge administratif et garantit peu ou mal contre les excès administratifs les plus graves. ® Attirance du justiciable pour la théorie de la voie de fait qui permet le référé judiciaire.
A la suite de l’affaire du 12 mai 1997, une étude a été lancée par les services de J.Toubon pour doter le JA d’une procédure d’urgence analogue à celle du JJ. Après les élections législatives, l’initiative a été reprise par le CE, un groupe de travail est actuellement en place et devrait bientôt rendre ses conclusions. Sont envisagés : une simplification des procédures d’urgence ; dans certains cas, de faire en sorte que le recours au juge suspende automatiquement l’exécution d’une décision mais également la possibilité pour le JA d’intervenir au stade des actes préparatoires.
Cette réforme apparaît en effet nécessaire car la multiplication des procédures d’urgence dans le CTA n’a conduit qu’à un résultat faible et est source de confusion pour les administrés. Possibilité : unifier le référé administratif ?
Risques : entrave à l’action administrative ® limites inévitables au référé administratif.
cf. : articles Le Monde 8 ou 9/01/98 et 26/02/98