SOMMAIRE DROIT ADMINISTRATIF | POINTS DIFFICILES |
Sursis à exécution : suspension de l’applicabilité d’un acte dans l’attente du jugement sur sa légalité. Procédé extraordinaire face à la présomption de légalité dont bénéficient les actes administratifs
Mais sursis est souvent la condition d’efficacité du recours contentieux. ( évite l’annulation d’un acte dont les effets se sont déjà déployés )
Origine : double attachement du droit français :
Autorité et suite des décisions de sursis : le jugement de sursis n’a pas autorité de chose jugée mais il a force obligatoire et sa méconnaissance est une illégalité. Il prend effet à la notification (doit être faîte dans les 24h) du jugement (ou de l’ordonnance) aux parties et à l’auteur de la décision en cause. Exécution suspendue à partir de la réception de la notification par l’auteur de la décision.
Conditions sont cependant sévères pour l’obtention du sursis mais une évolution du droit français du sursis (améliorations des conditions d’obtention et assouplissements et accélérations de sa procédure d’octroi ) du fait de pressions européennes et constitutionnelles dans le sens d’un droit à solliciter et obtenir selon des conditions raisonnables la suspension des actes administratifs. " Début de démantèlement de la citadelle des actes exécutoires ".
Le régime strict du sursis à exécution :
Les conditions fondamentales du sursis :
La condition de préjudice. Décret du juillet 1963 (pour le CE ) parle de "conséquences difficilement réparables ". Jurisprudence : l’exécution de l’acte doit entraîner des conséquences véritablement ineffaçables de sorte que l’annulation ultérieure ou la réparation pécuniaire serait une sanction dérisoire. Þ Sursis touche surtout actes relatifs à des démolitions ou modifications de site. Juge est attentif à la sauvegarde d’intérêts individuels ou sociaux qui risquent d’être radicalement compromis par l’exécution de l’acte (ex : expulsion d’étrangers, CE, Ass 18 juin 1976 Konaté ), à la nature publique des intérêts affectés par l’acte ou à la mise en cause d’une liberté publique. Les préjudices mineurs ne justifient pas le sursis.
Condition des moyens : il faut des "moyens sérieux et de nature à justifier l’annulation " (décret 30 juillet 1963). Danger : conduit à des débats sur le fond et donc retarde le prononcé du sursis. Mais difficilement concevable que la suspension d’un acte administratif ne prenne pas en compte les intérêts du droit autant que ceux du fait.
L’identification du moyen pris en considération est requise dans le jugement.
Le moyen sérieux : celui qui rend l’annulation de l’acte probable = restreint les virtualités du sursis. En pratique, le prononcé du sursis débouche généralement sur l’annulation de l’acte (du fait de la prudence du juge ) (très rares cas inverses ) mais le refus du sursis laisse des espérances d’annulation après approfondissement de l’instruction.
Le sursis est un accessoire du recours en annulation. Son examen s’accompagne donc d’un préexamen de la recevabilité de la requête principale même si le juge du fond n'est pas lié à cet égard.
Le sursis doit être demandé en plus de la requête principale. Le juge peut très bien refuser (CE, Ass, 13 février 1976 Association de sauvegarde du quartier Notre- Dame).
Restrictions particulières à l’octroi du sursis :
Les sursis impossibles :
L’acte doit être exécutoire : sursis est impossible envers des actes qui ne se prêtent à aucune action ou intervention publiques que le sursis aurait pour fonction d’arrêter. ( pas de sursis pour décisions de rejet ou de refus ). CE, Ass, 23 janvier 1970, Amoros (principe : juge administratif n’a pas qualité pour adresser des injonctions à l’administration or un tel sursis obligerait à une action administrative). = prive sursis d’une partie de son efficacité. Mais réserve dès 1970 du cas où le maintien de cette décision (négative) entraînerait une modification dans une situation de droit et de fait telle qu’elle existait auparavant. (ex : refus de prolonger le droit de séjour d’un étranger ou refus de restituer un permis de conduire après expiration de son temps de retrait ) = portée réduite : juge en refuse l’usage quand l’administré s’était lui-même placé dans une situation irrégulière (CE, s, 13 nov. 1987 Min. Intér c/ Tang Keung )
L’acte ne doit pas être déjà exécuté. La demande de sursis sera dépourvue d’objet. L’acte peur être seulement annulé. = logique mais favorise l’empressement administratif. Juge accepte cependant d’arrêter une exécution en cours (CE, 11 octobre 1963, Aguzou) ou "continue " (ex : expulsion d’un étranger effectivement renvoyé de France, CE, Ass 18 mai 1976, Konaté )
Les sursis inopportuns (refus du sursis même si conditions sont réunies ) : CE, Ass, 13 février 1976 Association de sauvegarde du quartier Notre- Dame. Le juge tient compte des circonstances (et aussi de l’intérêt général : CE, Ass, 2 juillet 1982, Huglo ) pour refuser un sursis théoriquement fondé. = une marge discrétionnaire et un "bilan coûts-avantages " mais aussi une entrave supplémentaire même si son application est limitée.
Assouplissements
Techniques formelles du sursis :
La demande de sursis : accessoire d’un recours en annulation, doit donc être déposée à l’appui de ce recours et par l’auteur du recours sans condition de délai, demandée au juge compétent sur le fond. Requête distincte de la requête en annulation.
Prononcé : Pas de délai même si le CTA prévoit une instruction "poursuivie d’extrême urgence ". Contradictoire demeure (CE, 11 mai 1987, Melki), sursis ne peut être accordé sans instruction.
Efforts pour accélérer et simplifier la procédure :
Juge unique d’abord compétent pour refuser les sursis. Puis pour les accorder : loi 1982 pour le sursis sollicité par le préfet sur des actes locaux intéressant les libertés (président du TA ), article L.600-5 code de l’urbanisme (loi 9 février 1994 ) permet d’octroyer ou de refuser le sursis par ordonnance au bénéfice de tous requérants dans les instances en matière d’urbanisme.
délai : pour le sursis sur déféré préfectoral : 48h pour statuer quand sont en cause des actes intéressant les libertés publiques ou individuelles. 1 mois pour les autres demandes de sursis émanant d’un déféré (loi 6 février 1992 )
Pour permis de construire : 48h quand demande vient de Etat, commune ou établissement public, 1 mois pour autres.
Mais pas de sanction.
Tendance à imposer au juge de justifier ses décisions : en matière d’urbanisme, juge doit indiquer le ou les moyens sérieux. + CE et CAA ont l’imposé systématiquement car permet le contrôle.
Mais risque que plus de motivation n’entrave le prononcé du sursis ou n’incite le juge à être plus prudent encore.
(Voies de recours :
appel : devant les CAA. Un mécanisme de suspension immédiate du sursis s’il est de nature à préjudicier gravement à un intérêt public ou aux droits de l’appelant. Appel devant le CE des sursis de 48h (libertés) réservé au président du contentieux qui statue dans les 48h.cassation : Appréciation des conséquences difficilement réparables est laissée aux juges du fond sauf dénaturation. Celle du sérieux des moyens : contrôle seulement de la dénaturation ou de l’erreur de droit quand le sursis a été prononcé (càd si un moyen avait été retenu pour sérieux ).
Le rejet d’une demande de sursis n’empêche pas son renouvellement et une révocation du sursis est possible devant le CE et devant les CAA.
La suspension provisoire des actes administratifs (présursis) :
Loi 8 février 1995
: article L.10 CTA confère aux présidents des TA le pouvoir de prononcer par ordonnance une suspension immédiate de l’exécution d’actes administratifs dans tous contentieux et au bénéfice de tous requérants. Pas intervention du commissaire du gouvernement mais procédure contradictoire (audience publique pour que les parties puissent présenter des observations orales. Des délais de réponse® allonge encore la procédure mais difficile d’éviter principe du contradictoire (Constitution)).Mais les conditions risquent d’entraver son dynamisme :
- Conditions de fond : moyen sérieux + l’exécution de l’acte doit risquer d’entraîner des conséquences irréversibles (il faut une instruction : prend du temps ; de plus, cette condition semble plus dure que celle du préjudice difficilement réparable® débat : pour Martin, le champ est très large, c’est plutôt une bonne chose que "conséquences irréversibles" ne soit pas différent de "préjudice difficilement réparable" car sursis a vocation a prendre le relais du présursis. Rq : juge risque de se sentir lié par décision de présursis). Jurisprudence commence à être importante et donc à donner des hypothèses de conséquences irréversibles.
- Conditions de forme : il faut une demande de sursis et une demande de suspension + la requête doit être recevable.
Suspension max. : 3 mois. Ces ordonnances doivent indiquer le moyen sérieux et sont susceptibles d’appel et de cassation ( ® complications ; encore plus long). Comme en matière de sursis, le juge a un pouvoir discrétionnaire (il peut refuser de prononcer le présursis alors que toutes les conditions sont remplies).
Risque : pourquoi le juge ne statue-t-il pas directement sur le sursis ? car il faut une instruction dans les 2 cas ® conditions sont quasiment les mêmes. L10 ne servirait à rien sauf qu’en général le sursis est prononcé en formation collégiale.
Avec la loi du 8 février 1995, art L10 a été considéré par beaucoup d’auteurs comme une amélioration.
Assouplissements de fond : Régimes particuliers de sursis : le sursis de droit.
Pour la protection de l’environnement : loi du 10 juillet 1976 instituant l’étude d’impact : en son absence illégale, le sursis est de droit. Loi du 12 juillet 1983 sur les enquêtes publiques : sursis est de droit sur des opérations susceptibles d’affecter l’environnement à la seule condition du moyen sérieux.
Sursis spécial des actes des CL : en principe, droit commun du sursis mais le préfet peut l’obtenir plus facilement à l’occasion d’un déféré (loi décentralisation 1982 ). Seule condition : le moyen sérieux : si remplis, sursis est de droit.
Un sursis allégé dans ses conditions également en cas de recours de l’Etat, d’une commune ou un établissement public territorial contre un permis de construire. (loi 1995)
Notre régime du sursis est strict et surtout aménagé de façon à ne pas compromettre l’action administrative. La durée des instances peut rendre le sursis plus inquiétant mais aussi plus impérieux. Premier impératif : juger plus vite au fond.
Opinion du professeur Pacteau : modération du sursis a aidé le JA à mieux faire accepter son contrôle au fond et évite les blocages excessifs des services publics. Mais question : ne serait-il pas temps de faire un nouveau pas qualitatif ? d’autant plus pertinente que pressions constitutionnelles et internationales :
Compétence normative sur le sursis est réglementaire. CC en a fait en matière de sanction une garantie essentielle des droits de la défense (CC, 23 janvier 1987). CJCE reconnaît qu’un juge doit écarter l’application d’une loi nationale qui l’empêcherait d’accorder le sursis d’un acte national suspect de violer le droit communautaire et dont la mise en œuvre risque d’être gravement préjudiciable (CJCE, 1990, Factortame) ; admet qu’un juge national suspende l’application l’un acte national pris en application d’un règlement communautaire dans l’attente qu’il soit statué sur la validité de ce règlement dès lors qu’il y a des doutes sérieux sur la validité de ce règlement et si le requérant est menacé d’un préjudice grave et irréparable (CJCE, 1991, Zuckerfabrick).
D’autant plus que certains droits étrangers reconnaissent l’effet suspensif des recours (Allemagne) dans certaines hypothèses nombreuses. ® doctrine s’interroge de plus en plus sur ces questions.
+ Voir : Articles Chabanol : AJDA 1995 ; RFDA 1996
Martin : DA, 1996.