SOMMAIRE DROIT ADMINISTRATIF | POINTS DIFFICILES |
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La Constitution de 1958 n’a pas investi les ministres d’un pouvoir réglementaire. Ce principe souffre toutefois certaines exceptions par des habilitations textuelles : un texte législatif ou réglementaire peut donner à un ministre dans un domaine déterminé le pouvoir de prendre des règlements. De plus, les ministres sont les chefs de leur département ministériel. Le Conseil d’Etat considère que " même dans les cas où ils ne tiennent d’aucunes dispositions législatives un pouvoir réglementaire, il leur appartient, comme à tout chef de service, de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l’administration placée sous leur autorité " (1). Mais ces mesures internes ne sont applicables qu’à leurs collaborateurs et aux usagers du service.
C’ est pourquoi les ministres ont utilisé différentes techniques leur permettant de prendre des mesures à caractère réglementaire (I). Le juge exercera alors son contrôle sur ces mesures (II).
I - Les substituts au pouvoir réglementaire
Il s’agit des directives et des circulaires
A – Les circulaires
Les circulaires émanent principalement des ministres. Le propre d’une circulaire est d’être interprétative. Dans la pratique, cependant, de nombreuses circulaires contiennent des dispositions à caractère réglementaire.
La circulaire est une mesure d’ordre interne à l’administration. Sa raison d’être réside dans la nécessité de donner une même interprétation à un texte à caractère législatif ou réglementaire, de façon à obtenir une application uniforme sur l’ensemble du territoire national. Elles constituent le mode d’emploi d’un texte, elles commentent la législation, indiquent la façon de procéder, les précautions à prendre, les contrôles à exercer, les délais à observer. Interpréter une norme, c’est dégager son sens et sa portée, sans rien y ajouter, sans créer une nouvelle règle de droit.
Les fonctionnaires subordonnés ne procéderont à l’application des dispositions législatives et réglementaires qu’à partir du moment où ils auront reçu la circulaire qui les interprétera .
Elle se distingue des mesures de service, d’ordre interne qui sont destinées à organiser la vie intérieure d’un service.
Il devient rare, dans la pratique, qu’une circulaire ne contiennent que des dispositions interprétatives. Le plus souvent, elles comprennent également des éléments à caractère décisoire. Les circulaires peuvent, dans certaines de leurs dispositions, créer du droit. Elles émanent, en effet, principalement des ministres qui n’ont pas le pouvoir réglementaire sous la V° République. Les autorités ministérielles glissent dans les circulaires, sous couvert d’interprétation, des élément de droit nouveau, qui ne figuraient pas dans le texte initial à appliquer.
Il n’existe pas, dans la pratique, deux catégories bien différentes de circulaires, les unes interprétatives, les autres réglementaires. Il est rare, en effet, qu’une circulaire ait un contenu entièrement réglementaire. Généralement, la circulaire est principalement interprétative, alors que certaines de ses dispositions ont un caractère réglementaire. On passe insensiblement de l’interprétation à la création d’une règle de droit.
B –la directive : un acte hybride
Les directives sont des actes qui s’apparentent aux circulaires et sont parfois prises sous ce nom mais s’identifient par leur objet précis: il s’agit de documents par lesquels l’administration, dans les domaines où elle dispose d’une compétence discrétionnaire, se fixe elle même à l’avance une ligne de conduite, une doctrine destinée à la guider ensuite dans les décisions individuelles qu’elle prendra, à la fois pour faciliter sa tâche et pour éviter une attitude disparate. Le principe selon lequel l’administration ne peut renoncer à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et donc " s’auto-limiter " dans les matière où elle dispose d’un tel pouvoir, mais doit au contraire procéder à l’examen individuel de chaque affaire, paraît interdire cette pratique. Mais, celle- ci comporte l’avantage, dans certains domaines, de réduire les aléas, pour les administrés du pouvoir discrétionnaire de l’administration et notamment les risques de discrimination, ce qui a poussé à entre prendre la construction d’un régime propre aux directives inspiré du désir de leur reconnaître certains effets juridiques limités. Elles ont du même coup une place particulière aux côtés des circulaires et autres mesures d’ordre intérieur. Les directives ont été consacrées par la jurisprudence du Conseil d ’Etat dans l’arrêt Crédit foncier de France de 1970.
II – Le contrôle du juge administratif
Puisque les circulaires peuvent contenir des éléments interprétatifs et des dispositions réglementaires, le régime juridique ne sera pas nécessairement le même. Les directives n’ayant aucun caractère réglementaire, elles sont insusceptibles d’un recours pour excès de pouvoir. Cependant, elles sont opposables aux administrés et à l’administration : les administrés peuvent s’en prévaloir pour contester les décisions individuelles prises à leur égard en application de la directive.
A- le régime juridique mixte de la circulaire
Le principe est que tout recours pour excès de pouvoir contre une circulaire est irrecevable. En effet, la circulaire est réputée interprétative : elle constitue un acte non créateur de droit. Le juge administratif est donc incompétent pour connaître d’un tel acte. Cette solution est issue de l’arrêt Notre Dame de Kriesker du 29 janvier 1954. Lorsque la circulaire ne modifie pas l’ordonnancement juridique, elle ne fait pas grief à l’administré : celui-ci ne peut la déférer à la censure du juge administratif. Toutefois, lorsque la circulaire ne se limite pas à interpréter des dispositions textuelles, mais que son contenu y insère de nouvelles règles, elle contient des éléments réglementaires qui, eux, sont susceptibles d’être déférée à la censure du juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir. Le Conseil d’Etat l’a expressément décidé dans l’arrêt Notre Dame de Kriesker : le ministre de l’éducation nationale " ne s’est pas borné à interpréter les textes en vigueur ", il a créé des procédures et des conditions, non prévues par la loi de 1850, sur les demandes de subventions formées par les écoles secondaires privées. Le recours pour excès de pouvoir sera recevable contre la circulaire contenant des dispositions réglementaires.
Ce décret est relatif aux relations entre l’administration et les usagers. Son article 1 dispose que " tout intéressé est fondé à se prévaloir à l’encontre de l’administration, des circulaires publiées lorsqu’elles sont contraires aux lois et règlements.
La question se pose alors de savoir si le décret ne remet pas en cause la jurisprudence antérieure sur les circulaires. L’article 1 peut être interpréter comme conférant aux administrés le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre les circulaires purement interprétatives. Si la circulaire n’est pas conforme aux dispositions législatives ou réglementaires auxquelles elle se rapporte, elle est alors illégale. Si, en revanche, la circulaire interprétative est légale, la possibilité d’un recours pour excès de pouvoir ne sera pas d’un grand intérêt. Si elle a un caractère réglementaire, l’article 1 est inutile.
Le Conseil d’Etat a confirmé, à plusieurs reprises, sa jurisprudence de 1954 sans même viser le décret. Il a considérer que :
le recours pour excès de pouvoir était irrecevable s’agissant d’une circulaire
B – Le contentieux de la directive. La pratique des directives est désormais reconnue régulière, c’est à dire que l’administration peut, sans commettre de ce seul fait une erreur de droit, se fixer à l’avance une ligne de conduite destinée à la guider ultérieurement. Pars la suite, dans les décisions individuelles qu’elle a à prendre, elle peut faire application de la directive ainsi édictée en se référant à elle et en faisant de cette référence le motif de ses décisions.
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