Fiche d'Arrêt
TGI de Paris, 1ère ch. 2 juin 1976

S.A.S Rainier III et princesse de Monaco C. Soc. France édition et publication.


SOMMAIRE DROIT CIVIL SUJETS D'EXAMEN




LE SUJET

Le journal France-Dimanche a consacré les pages 1 et 6 de son numéro 1503 du 23 juin 1975 à ce qu'il appelait "les fiançailles surprises de Caroline de Monaco". - A l'aide de titres, de photographies et du texte d'un article, il prétendait informer ses lecteurs sur la réalité des relations que des rumeurs prêtaient alors à la princesse Caroline et à Philippe Lavil, "chanteur à succès milliardaire". - Une affiche présentée à l'étalage des vendeurs de journaux appelait l'attention du public par l'annonce, en gros caractères, de ces "fiançailles surprises".

Soutenant que cette publication porte atteinte à leur vie privée, le prince Rainier III et la princesse Grace de Monaco ont assigné la Société France Edition et Publication en paiement de 250 000 F de dommages-intérêts. Ils demandent en outre l'insertion du jugement sollicité dans France-Dimanche et dans trois autres journaux.

La société défenderesse résiste à cette demande, au motif que l'article incriminé ne fait que reprendre, pour les démentir, des rumeurs déjà publiées par la presse. - Elle ajoute que la vie de la princesse Caroline, personnage public, et à ce titre objet d'une curiosité légitime, a donné lieu à de nombreuses publications contre lesquelles elle n'a pas protesté - subsidiairement elle soutient que le préjudice allégué n'est pas démontré.

LE TRIBUNAL : - Attendu que la vie sentimentale d'une jeune fille présente un caractère strictement privé et que l'art. 9 c. civ. interdit de porter à la connaissance du public les liaisons, véritables ou imaginaires, qui peuvent lui être prêtées ; que l'auteur de semblables divulgations ne saurait trouver ni justification ni excuse dans le fait qu'elles seraient l'écho d'indiscrétions antérieures ;
- Attendu qu'il importe peu que la victime de tels agissements soit, comme en l'espèce, une personne investie, par sa naissance ou ses fonctions, d'un caractère public, aussi longtemps qu'aucune annonce officielle n'est venue autoriser la publication des faits considérés ; qu'à cet égard l'un des titres utilisés par France-Dimanche : "Grace et Rainier gardent le silence", constitue à lui seul un aveu de la faute commise ;
- Attendu en conséquence qu'aucune considération tirée d'un prétendu devoir d'informer ses lecteurs ne peut être retenue à la décharge de la Société F.E.P., alors que la publicité tapageuse qu'elle a utilisée démontre son désir d'éveiller dans le public une curiosité de mauvais aloi ;
- Attendu en outre qu'il n'est pas allégué que les photographies incriminées aient été prises au cours de manifestations officielles ; que pas davantage les personnes représentées ne se trouvent au milieu d'une foule mais qu'elles apparaissent isolément grâce au cadrage réalisé par le photographe, sans qu'il soit prétendu que celui-ci avait été autorisé à réaliser de tels clichés ; que leur publication à l'appui des textes ci-dessus résumés constitue donc une faute supplémentaire ;
- Attendu que du fait des ces atteintes à la vie privée de la princesse Caroline, le prince Rainier III et la princesse Grace sont fondés à demander réparation d'un préjudice qui les touche en tant que parents et qui atteint, par delà leur personne, la famille souveraine dont ils sont les représentants ;
Atendu que ce préjudice qui est aggravé par la répétition des actes illicites commis par Sté F.E.P. sera réparé par le paiement des dommages-intérêts et l'exécution de la mesure de publication qui seront ci-dessous précisés ; - Attendu qu'il n'y a pas lieu d'exécution provisoire ;

Par ces motifs, condamne la Sté France Edition et Publication à payer au Prince Rainier III et à La princesse Grace de Monaco la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts ; ordonne la publication du texte intégral du présent jugement à la première page de France-Dimanche, surmonté du titre suivant, en caractères de deux centimètres de hauteur : "Jugement du tribunal de grande instance de Paris, condamnant France-Dimanche pour atteinte illicite à la vie privée"; dit que cette publication devra être effectuée dans la quinzaine qui suivra le jour où le présent jugement aura définitivement acquis l'autorité de la chose jugée ; dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ; condamne la Sté F.E.P. en tous les dépens.



LE "CORRIGE"

Note : Si corrigé est mis entre guillemets, c'est pour que toutes les précautions soient prises par le lecteur internaute. En effet, pour des raisons de droit d'auteur il nous est impossible de reproduire ici le corrigé d'un professeur ou d'un chargé de t.d. comme de toute autre personne autre que nous. C'est pourquoi nous mettons ici en ligne nos devoirs, avec les erreurs que nous avons pu commettre. Nous faisons cependant attention à ne pas prendre des devoirs jugés mauvais, ou hors sujet, et ne prenons que ceux qui nous ont satisfait le plus pleinement.

Novembre 1996 td n° 1. Exercice non rendu mais corrigé en classe par le chargé de TD. Le travail effectué correspondait à la correction.


Date et juridiction :

Décision du Tribunal de grande instance de Paris, 1ère chambre, rendue le 2 juin 1976.


Faits :

Le journal France-Dimanche a publié dans son numéro 1503 du 23 juin 1975 un article intitulé "les fiançailles surprises de Caroline de Monaco", accompagnés de photos, censé informer les lecteurs sur la réalité des relations prêtées selon certaines rumeurs à la princesse Caroline et au chanteur Philippe Lavil, une affiche attirant l'attention du public devant l'étalage des vendeurs de journaux.


Prétentions et arguments des parties :

- Demandeurs : Prince et princesses de Monaco

La publication de France-Dimanche porte atteinte à leur vie privée et en réparation de leur préjudice. Les demandeurs demandent la condamnation de la société France Edition et Publication au paiement de la somme de 250 000 francs à titre de dommages-intérêts et l'insertion du jugement dans France-Dimanche et dans trois journaux.

- La société défenderesse :
L'article incriminé ne fait que reprendre, pour les démentir, des rumeurs déjà publiées par la presse et la princesse Caroline, personnage public objet d'un curiosité légitime, a donné lieu à de nombreuses publications sans émettre de protestations. Elle soutient, à titre subsidiaire que le préjudice allégué par les demandeurs n'est pas démontré.


Le problème juridique :

L'art. 9 du code civil, relatif au respect de la vie privée auquel chacun a droit, peut-il recevoir application suite à la publication par voie de presse d'articles et photos concernant le vie sentimentale d'une personne investie par sa naissance ou ses fonctions d'un caractère public? (note : Il s'agit ici de la phrase donnée en correction par le chargé de TD.)


Solution :

La vie sentimentale d'une jeune fille, même investie d'un caractère public, présente un aspect strictement privé que l'art. 9 du code civil interdit de porter à la connaissance du public tant pour les liaisons véritables ou imaginaires prêtées à l'intéressée.
Cet article et les photos incriminées dont la publication est une faute supplémentaire, non justifiés par un prétendu désir d'information des lecteurs, constituent une atteinte illicite à la vie privée de la princesse Caroline de Monaco et de ses parents. La réparation du préjudice causé sera assurée par le paiement de la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts et la publication du texte intégral du jugement à ma première page du journal dans la quinzaine suivant le jour où la décision aura définitivement pris autorité de la chose jugée.




Dernière mise à jour : 11 septembre 1997